Réflexions

Essai sur mon identité culturelle

*La photo de couverture a été réalisée par la talentueuse Léa

Bien avant de vraiment réfléchir à ma propre identité culturelle, je pensais que trois arguments pouvaient me définir aux yeux des gens, de simples faits : mon prénom, mon âge et ma nationalité. Puis, en grandissant et en voyageant principalement, je me suis rendue compte que d’autres choses bien plus significatives pouvaient également me définir, me caractériser, bien que mettre des mots ou des termes théoriques, tels qu’identité culturelle ou petites cultures sur tout cela n’aide pas vraiment à comprendre la complexité de cette question.

Il a fallu que je parte, que je voyage un peu pour vraiment comprendre quelque chose : cela m’a fait changer, avoir un nouveau regard sur le monde et confronter mes opinions, voire mon identité, ailleurs. Voyager, devenir plus adulte, m’a appris qu’on ne peut pas être reliée qu’à une seule caractéristique. Je suis toujours Alessandra (bien que peu de monde m’appelle de cette manière, mais plutôt Aless ou Ale) et toujours suisse, mon âge diffère au fil des années tout comme mon identité. Ce n’est pas quelque chose d’ancré ni de stabilisé. Au fil du temps, elle se métamorphose.

Je vois mon identité comme des mouvements de vagues avec une base qui ne bouge pas : Alessandra, un âge, Suisse. Ce n’est pas linéaire, mon identité monte et descend, elle change, s’affine, s’oublie parfois pour finir par terminer sa course sur la plage ; ce qui représente ce que les autres et moi-même perçoivent de moi, tout en ne voyant pas le mécanisme complexe qui se joue derrière nos perceptions. Se définir et comprendre sa culture est une tâche difficile, mais tout aussi intéressante. C’est un challenge qui évolue au fil du temps, mais qui ne parvient pas à traiter toutes les subtilités du notre identité.

J’évolue entre un patchwork de différentes « petites cultures » (Holliday, 1999). Je n’appartiens pas à une culture large, mais plutôt à plusieurs d’entre elles selon le travail d’Holliday. Elles ne sont pas particulièrement reliées entre elles et je reconnais qu’il y a de nombreux facteurs différents qui ont un impact sur la façon dont je construis mon identité, mais les frontières entre elles sont floues. Ainsi, en dernier ressort, pour faciliter les échanges je me présente simplement comme Alessandra bien que si l’on creuse plus loin, on peut découvrir que je suis une fanatique de football, que j’ai pratiqué le basketball, que j’aime lire, randonner en montagne, l’ésotérisme et que je peux perdre la notion du temps en discutant, avec tous les animaux que je rencontre. Entre autres.

Mon amie Léa représente toujours de la meilleure des manières les choses : suivez-la !

Ainsi, mon identité est quelque chose qui m’accompagne toujours, mais qui est également modifiable d’un contexte à l’autre et qui a été façonnée par mes expériences qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

Cependant, je ne peux omettre que mon identité culturelle est façonnée par mon pays d’origine. Si on reprend les trois faits qui me caractérisent, je mentionne ma nationalité. Faire partie d’une nation comme la Suisse peut être une source inestimable d’identité et d’appartenance, cependant je ne me vois pas dans une culture nationale décrite par Hofstede (1980). La population d’une nation est différente de bien des manières, mais il déclare que l’on partage une même et unique culture (McSweeney, 2002), ce qui à mes yeux, concernant la Suisse est faux puisque je peux faire face à quelque chose d’assez paradoxal : je peux me sentir comme une étrangère dans mon pays. En effet, ce que j’aime le plus en Suisse, est aussi ce qui est parfois difficile à gérer : sa diversité. La Suisse n’est pas seulement une nation, mais plusieurs pour moi. C’est un pays multiculturel et multilingue et je crois que je pourrais être perçue de la même façon. Si on parle en termes de cliché, les risques d’incompréhension sont plus grands que les chutes de neige en montagne, puisqu’avec quatre langues nationales, cela suffit pour parfois me donner l’impression d’être dans une autre dimension, et ce, dans mon propre pays, bien que je parle couramment italien et que je me débrouille en allemand ; cela, car nous ne partageons pas la même identité, ni les mêmes cultures.

Je ne peux pas nier que c’est là que se trouve ma place, là où je me sens le plus chez moi. La maison, c’est sûr, ne signifie pas un lieu particulier ; c’est un état d’esprit, un lieu spirituel pour moi. Cela ne veut pas dire que je choisis la Suisse parce que je suis accidentellement suisse. C’est juste que je ressens très profondément que les montagnes enneigées, les lacs scintillants et même les délicieux fromages suisses font partie de ce que je suis.

La Suisse ne me définit pas entièrement, pourtant je suis fière d’appeler ce pays « home ». En voyageant, j’ai aussi ressenti cette appartenance à d’autres endroits. Par exemple, j’ai eu la chance de me rendre à Berlin presque chaque année et d’y vivre pendant plus d’un mois. Édimbourg, grâce à mon échange universitaire, m’a également conquise. Je peux déclarer que j’aime la capitale écossaise, qu’elle a façonné ma personnalité et mon identité, et que, un jour, j’y retournerai.

Ces situations peuvent me donner l’occasion de sentir au plus profond de moi que la culture ne peut pas se contenter de classifications comme le disent les études de Hofstede (1980). Je comprends mieux l’approche de Holliday (2010) qui parle d’un large éventail de réalités culturelles recueillies autour des trajectoires de vie personnelles.

Finalement, cela me laisse avec une question simple, mais plutôt compliquée : Qui suis-je ? En fin de compte, je pourrais admettre que la réponse m’échappe encore, même si je commence gentiment à reconnaître mes identités. Cela demande un questionnement continu et souvent inconscient de ce qui nous définit. Un chemin identitaire, où il faut aussi se perdre.

Références

Hofstede, G. (1980). Culture’s consequences: International differences in work-related values. Beverly Hills, CA: Sage.

Hofstede, G. (2001). Culture’s consequences: Comparing values, behaviors, institutions, and organizations across nations (2nd ed.). Thousand Oaks, CA: Sage.

Holliday, A. (1999). Small cultures. Applied linguistics. 20(2), pp. 237-264.

Holliday, A. (2010). Complexity in cultural identity. Language and Intercultural Communication. 10:2, pp. 165-177. DOI : 10.1080/14708470903267384

McSweeney, B. (2002). Hofstede’s model of national cultural differences and their consequences: A triumph of faith – a failure of analysis. Human Relations, 55(1), pp. 89-118.

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