Comme vous avez commencé à le comprendre, je suis une adepte d’une bonne tasse de café. Naturellement, cela me pousse à souvent partir à la chasse de jolis cafés pour en déguster, à faire des caféthons avec des amies et même à entreprendre des itinéraires différents lors de mes voyages pour découvrir de nouvelles cultures de café.

Quelle ne fut pas ainsi ma surprise lorsque je me rendis compte, lors de mon voyage à la Réunion, que l’île était le producteur d’un des cafés les plus appréciés (et les plus chers !) du monde : le Bourbon Pointu. Ayant découvert l’histoire de l’île, je fis le lien directement avec son ancien nom (île Bourbon) et cette variété bien précise de café, mais également avec la vanille Bourbon.

Ainsi deux choix se présentèrent : soit visiter un domaine qui produit de la vanille (vanilleraie), soit un qui produit du café (caféière). Pour moi le choix fut très vite fait. Mais ne voyageant pas seule, il me fallut motiver la smala qui penchait plus pour la vanille. Je découvris lors de mes recherches un super endroit où découvrir la culture du café à la Réunion, couplé avec un magnifique Jardin Botanique. Là, je les convainquis.

Je vous explique par la suite notre expérience au Domaine du Café Grillé. Il me faut d’abord vous contextualiser l’histoire du café à la Réunion. En effet, le Bourbon Pointu ne se distingue pas uniquement en tant que café d’exception à l’échelle mondiale ; il incarne également l’héritage historique de l’île.

Histoire du café à la Réunion

L’histoire du Bourbon Pointu commence en 1715, lorsque des caféiers de la variété Coffea arabica, originaires d’Éthiopie, sont introduits du Yémen à l’île Bourbon (actuellement La Réunion, mais possession du roi de France à l’époque), en vue de leur culture. Ces caféiers prospèrent sous le climat réunionnais, acquérant progressivement leurs propres caractéristiques distinctives. Le café ainsi produit, connu sous le nom de Bourbon Pointu (Coffea arabica cv. laurina), émerge de la mutation continue de la variété de café Bourbon ordinaire.

Ce café présente des particularités notables : une faible teneur en caféine, un profil gustatif délicat et complexe. Ses arômes floraux et fruités, évoquant des notes de musc, de rhubarbe, d’ananas, de rose et d’épices, suscitent l’admiration de connaisseurs tels que le roi Louis XV de France ou l’écrivain Honoré de Balzac (très friand de café, je vous en parlais ici).

De ce fait, dès 18^e siècle, l’île Bourbon devient l’un des principaux fournisseurs de café en Europe. Cependant, malgré ses profondes racines dans cette terre volcanique, la culture du café à La Réunion disparaît petit à petit dès le 19^e siècle. Les grands caféiers cultivés en altitude, pouvant atteindre une hauteur de 4 à 6 mètres, sont peu à peu éclipsés par la canne à sucre, une plante plus résistante et lucrative, qui devient ainsi la culture première de l’île.

Néanmoins, les habitants de La Réunion n’ont jamais abandonné leur tradition caféière. Même si les vastes plantations ont cédé leur place, des caféiers dispersés à travers toute l’île ont continué de croître. Un renouveau véritable s’est amorcé dans les années 2000 avec l’envie de retrouver un lien avec le passé tout en produisant ce café ancestral de qualité.

Ainsi, grâce à des plants retrouvés çà et là dans les jardins, la production de Bourbon Pointu connaît un renouveau sur la scène mondiale, particulièrement en Asie, étant très apprécié des Japonais et des Coréens. Du fait d’un travail appliqué et délicat, ainsi que le climat propice de l’île, le café Bourbon est redevenu un produit haut de gamme. Caractérisé comme un café sauvage et autochtone, les cerises (nom donné aux baies des caféiers) légèrement pointues sont cueillies et traitées à la main, amenant ce café à se négocier désormais à plusieurs centaines d’euros par kilogramme.

Escapade au Domaine du Café Grillé

Les informations expliquées précédemment sont ressorties et synthétisées de la visite que nous avons effectuée à la caféière Le Domaine du Café Grillé. En vous y rendant, vous découvrirez effectivement la connexion de l’île de la Réunion avec le café, tout en pouvant vous émerveiller d’une balade dans un jardin botanique aménagé pour mettre en avant l’histoire d’hier et d’aujourd’hui de l’île. Assurément un bon complément à certains musées que vous pourrez visiter sur l’île, mais surtout une manière insolite et différente de s’imprégner de la culture de la terre volcanique réunionnaise.

Pour découvrir le Domaine du Café Grillé, il faudra vous rendre dans les environs de Saint-Pierre, au sud-ouest de l’île. Le domaine est situé plus précisément à l’entrée nord de la ville, à proximité d’une vaste zone d’activités en pleine expansion. Il est ainsi bien facile d’y accéder en voiture, mais moins pratique si vous vous déplacez en bus. Vous pourrez toutefois prendre un bus (S3, S4, 13 et 13a) jusqu’à l’arrêt Allée des Cèdres et venir à pied en une dizaine de minutes.

Nous sommes arrivés à la caféière au milieu de l’après-midi, signifiant que nous venions de louper la visite guidée de 14h. Cela ne nous dérangeait pas, préférant nous imprégner des lieux par nous-mêmes. Toutefois, même si vous ne souhaitez pas réaliser la visite guidée, la visite des lieux commence par un petit documentaire, qui permet à chaque visiteur et visiteuse de connaître l’histoire du café à la Réunion. Cela se passe dans le bâtiment qui fait aussi office de billetterie, boutique souvenir et café.

Après cette riche introduction (comptez une petite vingtaine de minutes le documentaire introductif), nous partîmes à la découverte du jardin botanique. Celui-ci offre 4 hectares aux visiteurs et visiteuses afin de s’imprégner des plantes endémiques et exotiques que la Réunion accueille sur ses terres. Le jardin est constitué de deux parties : la Réunion d’aujourd’hui et la Réunion longtemps.

Le fil conducteur ainsi est chronologique et permet une bonne vision d’ensemble de l’histoire de la Réunion au travers des plantes. On déambule parmi par exemple un potager traditionnel hérité du temps du siècle passé, des jardins dédiés à la culture des plantes médicinales mais également parmi une centaine de plantes soigneusement entretenues avec naturellement une attention spéciale accordée au café et à sa culture. Le domaine possède en effet plus de trois mille plants de Bourbon rond, qui était la première variété introduite à la Réunion. C’est à ce moment j’imagine que la visite guidée prend tout son sens, car plusieurs explications sont données autour des éléments liés au café.

Pendant environ une heure, nous nous sommes ainsi promenés parmi la végétation et l’histoire de la Réunion ; de quoi ouvrir l’appétit de goûter ce fameux Bourbon, ainsi que celui des moustiques qui errent dans le jardin ! Je vous conseille de vous asperger d’anti-moustique avant d’entrer dans le jardin botanique ! Comme je n’avais pas suivi ce conseil, je retournai au bâtiment principal avec la désagréable sensation que je passerai les heures suivantes à me gratter ou à appliquer de la pommade apaisante sur les vilaines piqures de moustiques (pas de plot twist, ce fut le cas !!)

Nous nous installâmes à l’intérieur, faisant frais en comparaison avec la terrasse extérieure, qui, bien qu’abritée, laisse peu de place à la fraicheur de l’air conditionné (eh oui, les saisons sont inversées donc en plein mois de novembre, c’est comme si nous étions au mois de juin en Europe).

Ayant envie de goûter les deux cafés locaux, soit le Bourbon Pointu et Rond, chaque membre de ma famille commanda un café différent, et ma maman commanda même du thé bleu après le pitch (très poussif mais gentil) du serveur. Le thé bleu, qui à mon avis, n’a pas de goût est tiré des fleurs séchées de Clitorea ternatea, qui comme le nom du thé l’indique, est une espèce de plantes appartenant à la famille des Fabaceae, nommé couramment « pois papillon bleu » ou « pois bleu ».

Le serveur nous expliqua, dans les grandes lignes, comment il faut préparer le Bourbon Rond afin de le goûter de manière traditionnelle et ancienne. Ils appellent ceci un café « lontan ». Celui-ci est filtré manuellement en utilisant une « grègue », une cafetière métallique ancestrale. Une fois le café moulu, il est placé dans le filtre et de l’eau chaude est versée doucement par-dessus. Ensuite, la patience, d’où le lontan, phonétique de longtemps, entre en jeu. Il faut attendre tranquillement, parfois jusqu’à 20 minutes pour obtenir quatre tasses, que le liquide s’égoutte, goutte à goutte. Une astuce locale pour maintenir le café au chaud consiste à immerger la cafetière dans un bain-marie pendant cette opération.

À la vue de ces efforts pour obtenir un café savoureux et traditionnel, nous prîmes le temps de déguster ce qui nous fut présenté. Malgré la tasse de café qui peut avoisiner les 30 euros à Paris, le café Pointu ne fut pas mon préféré. J’appréciai plus en détail le charme de « Le sublime de Bourbon », qui associe la puissance aromatique du Bourbon rond avec la finesse d’agrume du Bourbon Pointu. Une richissime idée d’avoir combiné les deux, en faisant un café d’exception et délicieux.

Vous avez meilleur temps de le consommer au café, puisque tous les cafés d’exception coûtent 4 euros la tasse. Étant en rupture de stock à l’achat dans la boutique officielle, je fus presque choquée du prix au duty free de l’aéroport, où les 100 grammes se vendent à 51,50 euros (mais cela sera toujours moins cher que la tasse à Paris) !

Informations générales sur le Domaine du Café Grillé

https://www.domaineducafegrille.fr/

Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 17h ; la fermeture de la billetterie pour l’accès au jardin est à 15h30.

Réservation oblifatoire par SMS au + 262 692 52 24 32 en inscrivant la date, la visite de 10h ou 14h, un prénom et le nombre de personnes. En fonction de la disponibilité vous aurez un sms de confirmation.

En conclusion, le café à La Réunion transcende le simple plaisir gustatif pour devenir un symbole vivant de l’histoire et de la passion des Réunionnais. Cette île de l’océan Indien continue à faire perdurer la tradition caféière avec le Bourbon, un café précieux qui incarne à la fois l’héritage culturel et la détermination de cette communauté à préserver ses racines dans chaque tasse de café

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