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Teufelsberg, théâtre de l’histoire berlinoise

Dimanche matin, des familles se promènent joyeusement, à vélo ou à pied, des personnes âgées font de même, à un rythme parfois plus gentil dans la plus grande forêt de Berlin, Grunewald. Laissant les promeneurs s’enfoncer dans les sentiers, nous marchons sur la route principale puis nous nous enfonçons également en suivant un panneau (à vrai dire, nous ne savions vraiment pas quel chemin emprunter pour arriver au sommet) et nous voilà finalement en haut. Mais pas de la bonne colline !

En effet, les grandes sphères géodésiques facilement reconnaissables de Teufelsberg apparaissent littéralement en face de nous. De là, nous cheminons jusqu’en haut de la fameuse Montagne du Diable et nous tombons sur une grande clôture où de nombreuses pancartes affirment que l’endroit est abandonné et que des poursuites peuvent être engagées contre quiconque entrant par effraction. Puisque le site est, depuis quelques années, accessible moyennant une petite somme, ces écriteaux sont vraisemblablement des restes des années d’abandon.

Finalement, nous suivons la clôture et arrivons à l’entrée, où un peu stupéfaits, nous voyons qu’une route permet d’y accéder – celle que j’emprunterai lors de mes prochaines visites. Pour avoir l’opportunité de pénétrer dans le site, la somme de 6 euros (pour étudiants) est demandée ainsi qu’une signature puisque la personne à l’accueil spécifie bien, que s’il nous arrive quelque chose sur place, ils déclinent toute responsabilité. Nous voilà prévenus. Où est-ce que je nous ai encore emmené ?

Fantômes d’une université nazie

Je ne peux m’empêcher de penser aux jeunes garçons que nous avions rencontrés en contre-bas et qui s’amusaient simplement avec une innocence d’enfant. Difficile d’imaginer que sous la colline sur laquelle ils jouent, au début des années 40, Albert Speer, l’architecte en chef du Parti national-socialiste, avait entrepris la construction d’une université technico-militaire nazi. Ainsi, nous nous trouvons sur la montagne où devaient être formés les futurs nazillons du parti…

Mais où est donc passée cette université ?

Les Alliés avaient essayé de la détruire en 1942, pourtant l’école résista. Puis, en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les «Trümmenfrauen», littéralement les femmes des ruines, décidèrent de déblayer les ruines causées par les bombardements afin de reconstruire leur pays. Ce déblaiement conduira à l’édification de collines artificielles, les «Schuttbergen» en allemand, dont Teufelsberg en est une des plus connues.

Théâtre de la Guerre Froide

Une des plus connues, puisque dès les années 60, les Alliés commencèrent à inspecter la zone afin de s’informer si Teufelsberg, point culminant de Berlin-Ouest, était idéal pour y implanter une station d’espionnage. Bien que la forêt de Grunewald appartenait à la zone d’occupation britannique, ce sont les Américains qui y installèrent en premier, une station d’écoute (la délimitation de la zone n’était pas très loin de la colline et ils coopéraient ensemble en matière d’espionnage).

La NSA (National Security Agency) ouvre ainsi une de ses plus grandes stations d’espionnage aux alentours de 1961 (l’année qui revient le plus souvent sur les documents que j’ai lus), qui selon les rumeurs devait faire partie du réseau ECHELON, qui désigne le système mondial d’interception des communications publiques ou privées. Connue sous le nom de «Field Station Berlin» et servant principalement à espionner le bloc de l’Est (RDA et l’URSS), dès 1963, ils construisirent ces gros dômes blancs afin de cacher les antennes qui interceptaient les signaux soviétiques… pas très discrets en tout cas ! Cependant, elle opéra pendant plus de 25 ans, jusqu’à la chute du mur de Berlin puis à la réunification des deux Allemagnes.

Pour en apprendre davantage sur d’autres faits d’espionnage, je vous recommande vivement d’aller visiter le musée de l’espionnage à Berlin (German Spy Museum) dont la richesse du contenu est impressionnante et surtout hyper captivante  !

Théâtre de jeu des Berlinois et du street art

Longtemps laissée à l’abandon, squattée, endommagée et vandalisée, la colline du Diable est reprise en main bien des années plus tard, au début des années 2010, par une association «Teufelsberg-Team» qui décide de créer un lieu culturel et surtout de street art.

Telle une galerie à ciel ouverte, dès que nous entrons dans l’enceinte surveillée, n’importe quel objet ou graffiti attire l’œil. Véritable paradis pour les amateurs de street art, nous ne savions plus où donner de la tête. De plus, j’apprécie également que les œuvres se renouvellent sans cesse, tout en laissant des ouvrages indémodables et appréciés des visiteurs. A chaque visite, une nouvelle œuvre m’émerveille.

L’ancienne base d’espionnage a laissé une architecture industrielle, ce qui permet de découvrir d’immenses salles remplies de tags et de pièces de street art.

C’est le bâtiment central, celui avec les dômes géodésiques, qui offre le plus grand spectacle. Il faut prendre l’escalier sur le côté de l’édifice pour arriver au premier étage d’où un escalier central mènera au sommet. Chaque étage regorge de merveilles à explorer ! Nous grimpons encore et encore (je vous conseille de prendre une lampe de poche ou d’utiliser votre téléphone puisque plus nous grimpons, moins la cage d’escalier est éclairée), jusqu’au sommet du bâtiment.

En émergeant de l’escalier, je dois dire que, la première fois, je fus subjuguée par ce qui m’entourait. Des lambeaux de tissus claquant au gré du vent, des coupoles à moitiés brisées et colorées, une baignoire et une bouteille de bière laissées là, à l’abandon, et puis, une vue, cette stupéfiante vue sur la forêt verte et sur les alentours qui me laisse éblouie ! D’ailleurs, ma seule envie est de revenir lors d’une excursion organisée au coucher du soleil.

Par la suite, encore quelques marches nous séparent pour arriver dans le dôme central. Ici, l’acoustique y est d’un autre monde, presque irréel. Chaque son fait écho et résonne pour ce qui semble être pour toujours. Aucune tonalité n’est perdue et c’est un réel bonheur de se défouler en y criant tout et n’importe quoi ! Un simple chuchotement reste assuré, comme si les voix de l’URSS frémissaient encore…

Gros coup de cœur pour cet endroit, Teufelsberg est gentiment devenu, au fil de mes visites, un de mes endroits préférés à Berlin. Entre passé d’espionnage et d’histoire, la montagne du Diable se découvre, définitivement sortie hors du temps, au fil des magnifiques œuvres qui peuplent cet endroit, tel un théâtre sur l’histoire contemporaine allemande.

Si vous avez encore envie de découvrir les environs de la forêt, de jolis sentiers parcourent les environs de long en large, attention simplement à ne pas se perdre.

De plus, de nombreux autres endroits à Berlin permettent l’exploration de lieux abandonnés, cette fois où l’entrée est dira-t’on illégale comme le parc d’attraction, Spreepark. Définitivement un endroit à découvrir lors de mon prochain passage dans la capitale allemande.

Grande roue abandonnée du Spreepark

Informations

Accès : Depuis Berlin, prendre la S-Bahn 5 (S5) direction Spandau et sortir à l’arrêt Heerstrasse. En sortant de la station de métro, empruntez directement sur la gauche la Teufelseestrasse, route qui s’enfonce dans la forêt de Grunewald et qui mène directement au sommet. Comptez minimum 30 minutes de marche, pour les plus rapides, pour y arriver. Ou si la route vous parait monotone, n’hésitez pas à emprunter un sentier au départ d’un petit parking sur la droite de la route au bout d’environ 10 minutes de marche et faisant suite aux maisons résidentielles.

Ouverture : se référer au site internet, mais le site n’ouvre pas avant 10h 

Tarif : 6 euros pour les étudiants et 8 pour un ticket normal. Lors de ma première venue, un simple tampon faisait office de ticket mais depuis 2017, de vrais tickets sont distribués. Des excursions, visites guidées sont également organisées, se renseigner également sur le site officiel.

Site officiel : https://teufelsberg-berlin.de/

Teufelsberg à l’écran :       

  • Dans la série Covert Affairs, épisode 12 de la saison 2 «Uberlin»
  • Dans la série Berlin Station, épisode 9 de la 1ère saison «Thomas Shaw»

Pour en apprendre davantage :

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